Une vielle Chevrolet rouge de 1957 parade avec une classe infinie dans les rues aux façades coloniales décrépies de la vielle Havane. Au même moment, s’échappent d’un café les accords colorés de Buena Vista Social Club repris avec talent par un groupe de jeunes. Devant nous, des gouttes d’eau condensées sur la paroi des Mojitos perlent lentement sur la table et nous rappellent la chaleur écrasante. Les douces effluves du rhum et de la menthe se mêlent bientôt à l’odeur âpre des volutes de fumées expirées par cette femme en tenue créole qui pose dans la rue, un cigare à la main.

Cuba est une carte postale. C’est un puissant cliché auto-évocateur qui envoûte le voyageur grâce aux charmes de ses couleurs, de ses bruits, de ses odeurs si caractéristiques. Ici, le temps s’est arrêté dans les années 60’ avec la révolution et l’embargo. Le pays tout entier est mis sous cloche, tel un écosystème végétal autonome. Mais ce voyage dans le passé, qui fait la joie des touristes, intègre une toute autre réalité, celle du calvaire quotidien des cubains. Et même si ce peuple semble en majorité résigné, acceptant son sors face à une économie ravagée et une société muselée, nous ressentons une forme de gêne dans cette ambivalence entre tourisme et voyeurisme, folklore et pauvreté.

Car de l’autre côté de la carte postale, se cachent de dures réalités comme les pénuries alimentaires, les fils d’attente devant les magasins, le rationnement, l’omniprésence policière, la corruption, la censure, la propagande, l’économie parallèle, la double monnaie, le chômage de masse, etc.

Mais Cuba c’était aussi une étape spéciale dans notre tour du monde. Nous abandonnions le continent asiatique après quatre mois extraordinaires. C’était également une transition vers l’Amérique du sud où nous passerions le reste de notre voyage.

Mais c’était surtout l’occasion de retrouver nos fidèles Amis qui avaient traversés l’Atlantique pour venir nous voir et fêter mes trente ans. Quelle chance d’avoir eu Héloïse, Anne-Laure, Charles, Félix, Guillaume et Vincent à nos côtés! Ils font maintenant partis de notre long voyage et nous les emmenons avec nous.